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CORINNE OU L’ITALIE

Italiens jouaient en Europe et chez eux un grand rôle politique. Peut-être vous est-il impossible maintenant d’avoir un théâtre tragique national. Pour que ce théâtre existe, il faut que de grandes circonstances développent dans la vie les sentimens qu’on exprime sur la scène. De tous les chefs-d’oeuvre de la littérature, il n’en est point qui tienne autant qu’une tragédie à tout l’ensemble d’un peuple ; les spectateurs y contribuent presque autant que les auteurs. Le génie dramatique se compose de l’esprit public, de l’histoire, du gouvernement, des mœurs, enfin de tout ce qui s’introduit chaque jour dans la pensée, et forme l’être moral, comme l’air que l’on respire alimente la vie physique. Les Espagnols, avec lesquels votre climat et votre religion doivent vous donner des rapports, ont bien plus que vous cependant le génie dramatique ; leurs pièces sont remplies de leur histoire, de leur chevalerie, de leur foi religieuse, et ces pièces sont originales et vivantes : mais aussi leurs succès en ce genre remontent-ils à l’époque de leur gloire historique. Comment donc pourrait-on maintenant fonder en Italie ce qui n’y a jamais existé, un théâtre tragique ? —

— Il est malheureusement possible que vous ayez raison, mylord, reprit Corinne ; néanmoins