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CORINNE OU L’ITALIE

j’espère toujours beaucoup pour nous de l’essor naturel des esprits en Italie, de leur émulation individuelle alors même qu’aucune circonstance extérieure ne les favorise ; mais ce qui nous manque surtout pour la tragédie, ce sont des acteurs. Des paroles affectées amènent nécessairement une déclamation fausse ; mais il n’est pas de langue dans laquelle un grand acteur pût montrer autant de talens que dans la nôtre ; car la mélodie des sons ajoute un nouveau charme à la vérité de l’accent : c’est une musique continuelle qui se mêle a l’expression des sentimens sans lui rien ôter de sa force. — Si vous voulez, interrompit le prince Castel-Forte, convaincre de ce que vous dites, il faut que vous nous le prouviez ; oui, donnez-nous l’inexprimable plaisir de vous voir jouer la tragédie ; il faut que vous accordiez aux étrangers que vous en croyez dignes la rare jouissance de connaître un talent que vous seule possédez en Italie, ou plutôt que vous seule dans le monde possédez, puisque toute votre ame y est empreinte. —

Corinne avait un désir secret de jouer la tragédie devant lord Nelvil, et de se montrer ainsi, très à son avantage ; mais elle n’osait accepter sans son approbation, et ses regards la lui de-