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CORINNE OU L’ITALIE

Quand Roméo s’approcha d’elle pour lui adresser à demi-voix des vers si brillans dans l’anglais, si magnifiques dans la traduction italienne, sur sa grâce et sa beauté, les spectateurs, ravis d’être interprétés ainsi, s’unirent tous avec transport à Roméo ; et la passion subite qui le saisit, cette passion allumée par le premier regard, parut à tous les yeux bien vraisemblable. Oswald commença dès ce moment à se troubler ; il lui semblait que tout était prêt à se révéler, qu’on allait proclamer Corinne un ange parmi les femmes, l’interroger lui-même sur ce qu’il ressentait pour elle, la lui disputer, la lui ravir ; je ne sais quel nuage éblouissant passa devant ses yeux, il craignit de ne plus voir, il craignit de s’évanouir, et se retira derrière une colonne pendant quelques instans. Corinne inquiète le cherchait avec anxiété, et prononça ce vers :

Too early seen unknown, and known too late !

Ah ! je l’ai vu trop tôt sans le connaître, et je l’ai connu trop tard, avec un accent si profond, qu’Oswald tressaillit en l’entendant, parce qu’il lui sembla que Corinne l’appliquait à leur situation personnelle.