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CORINNE OU L’ITALIE

traîné à des actions irréfléchies, à des actions qui avaient déchiré le cœur de son père. — Ah ! qui sait, s’écria-t-il, qui sait s’il ne craindrait pas également aujourd’hui que son fils oubliât sa patrie et ses devoirs envers elle ? —

— Ô toi ! dit-il en s’adressant au portrait de son père ; toi, le meilleur ami que j’aurai jamais sur la terre, je ne peux plus entendre ta voix ; mais apprends-moi par ce regard muet, si puissant encore sur mon ame, apprends-moi ce que je dois faire pour te donner dans le ciel quelque contentement de ton fils. Et cependant n’oublie pas ce besoin de bonheur qui consume les mortels ; sois indulgent dans ta demeure céleste, comme tu l’étais sur la terre. J’en deviendrai meilleur, si je suis heureux quelque temps, si je vis avec cette créature angélique, si j’ai l’honneur de protéger, de sauver une telle femme. — La sauver ? reprit-il tout à coup ; et de quoi ? d’une vie qui lui plaît, d’une vie d’hommages, de succès, d’indépendance ! — Cette réflexion, qui venait de lui, l’effraya lui-même comme une inspiration de son père.

Dans les combats de sentiment, qui n’a pas souvent éprouvé, je ne sais quelle superstition secrète, qui nous fait prendre ce que nous pen-