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CORINNE OU L’ITALIE

culièrement à la sculpture, les simples affections, les élémens primitifs des sentimens qui peuvent seuls s’exprimer par le marbre éternel.

À peine trouve-t-on dans leurs statues quelques traces de mélancolie. Une tête d’Apollon au palais Justiniani, une autre d’Alexandre mourant, sont les seules où les dispositions de l’ame rêveuse et souffrante soient indiquées ; mais elles appartiennent l’une et l’autre, selon toute apparence, au temps où la Grèce était asservie. Dès-lors, il n’y avait plus cette fierté, ni cette tranquillité d’ame qui ont produit chez les anciens les chefs-d’oeuvre de la sculpture et de la poésie composée dans le même esprit.

La pensée qui n’a plus d’alimens au-dehors se replie sur elle-même, analise, travaille, creuse les sentimens intérieurs ; mais elle n’a plus cette force de création qui suppose et le bonheur, et la plénitude de forces que le bonheur seul peut donner. Les sarcophages même chez les anciens ne rappellent que des idées guerrières ou riantes : dans la multitude de ceux qui se trouvent au musée du Vatican, on voit des batailles, des jeux représentés en bas-reliefs sur les tombeaux. Le souvenir de l’activité de la vie était le plus bel hommage que l’on crût devoir rendre aux morts. Rien n’affaiblissait, rien ne diminuait les