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CORINNE OU L’ITALIE

ancienne et moderne. Les tableaux de Michel-Ange, ce peintre de la Bible, de Raphaël, ce peintre de l’Évangile, supposent autant de profondeur et de sensibilité qu’on en peut trouver dans Shakespeare et Racine. La sculpture ne saurait présenter aux regards qu’une existence énergique et simple, tandis que la peinture indique les mystères du recueillement et de la résignation, et fait parler l’ame immortelle à travers de passagères couleurs. Corinne soutenait aussi que les faits historiques, ou tirés des poëmes, étaient rarement pittoresques. Il faudrait souvent, pour comprendre de tels tableaux, que l’on eût conservé l’usage des peintres du vieux temps, d’écrire les paroles que doivent dire les personnages sur un ruban qui sort de leur bouche. Mais les sujets religieux sont à l’instant entendus par tout le monde, et l’attention n’est point détournée de l’art pour deviner ce qu’il représente.

Corinne pensait que l’expression des peintres modernes, en général, était souvent théâtrale, qu’elle avait l’empreinte de leur siècle, où l’on ne connaissait plus, comme André Mantegne, Perugin et Léonard de Vinci, cette unité d’existence, ce naturel dans la manière d’être, qui tient encore du repos antique. Mais à ce repos