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CORINNE OU L’ITALIE

est unie la profondeur de sentimens qui caractérise le christianisme. Elle admirait la composition sans artifice des tableaux de Raphaël, surtout dans sa première manière. Toutes les figures sont dirigées vers un objet principal, sans que l’artiste ait songé à les grouper en attitude, à travailler l’effet qu’elles peuvent produire. Corinne disait que cette bonne foi dans les arts d’imagination, comme dans tout le reste, est le caractère du génie, et que le calcul du succès est presque toujours destructeur de l’enthousiasme. Elle prétendait qu’il y avait de la rhétorique en peinture comme dans la poésie, et que tous ceux qui ne savaient pas caractériser cherchaient les ornemens accessoires, réunissaient tout le prestige d’un sujet brillant aux costumes riches, aux attitudes remarquables ; tandis qu’une simple vierge tenant son enfant dans ses bras, un vieillard attentif dans la messe de Bolsène, un homme appuyé sur son bâton dans l’école d’Athènes, Sainte Cécile levant les yeux au ciel, produisaient, par l’expression seule du regard et de la physionomie, des impressions bien plus profondes. Ces beautés naturelles se découvrent chaque jour davantage ; mais au contraire, dans les tableaux d’effet, le premier coup-d’œil est toujours le plus frappant[1].

  1. Dans un journal, intitulé l’Europe, on peut trouver des observations pleines de profondeur et de sagacité sur les sujets qui conviennent à la peinture ; j’y ai puisé plusieurs des réflexions qu’on vient de lire ; M. Frédéric Schlegel en est l’auteur : c’est une mine inépuisable que cet écrivain, et que les penseurs allemands en général,