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CORINNE OU L’ITALIE

Corinne ajoutait à ces réflexions une observation qui les fortifiait encore ; c’est que les sentimens religieux des Grecs et des Romains, la disposition de leur ame en tout genre, ne pouvant être la nôtre, il nous est impossible de créer dans leur sens, d’inventer pour ainsi dire sur leur terrain. L’on peut les imiter à force d’étude : mais comment le génie trouverait-il tout son essor dans un travail ou la mémoire et l’érudition sont si nécessaires ? Il n’en est pas de même des sujets qui appartiennent à notre propre histoire ou à notre propre religion. Les peintres peuvent en avoir eux-mêmes l’inspiration personnelle ; ils sentent ce qu’ils peignent, ils peignent ce qu’ils ont vu. La vie leur sert pour imaginer la vie ; mais en se transportant dans l’antiquité, il faut qu’ils inventent d’après les livres et les statues. Enfin Corinne trouvait que les tableaux pieux faisaient à l’ame un bien que rien ne pouvait remplacer, et qu’ils supposaient dans l’artiste un saint enthousiasme qui se confond avec le génie, le renouvelle, le ranime, et peut seul le soutenir contre les dégoûts de la vie et les injustices des hommes.

Oswald recevait, sous quelques rapports, une impression différente. D’abord il était presque scandalisé de voir représenter en peinture