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CORINNE OU L’ITALIE

avec les arbres, avec la nature ; elles semblent en harmonie avec le torrent solitaire, image du temps qui les a fait ce qu’elles sont. Les plus belles contrées du monde, quand elles ne retracent aucun souvenir, quand elles ne portent l’empreinte d’aucun événement remarquable, sont dépourvues d’intérêt, en comparaison des pays historiques. Quel lieu pouvait mieux convenir à l’habitation de Corinne en Italie, que le séjour consacré à la Sibylle, à la mémoire d’une femme animée par une inspiration divine ! La maison de Corinne était ravissante ; elle était ornée avec l’élégance du goût moderne, et cependant le charme d’une imagination qui se plaît dans les beautés antiques s’y faisait sentir. L’on y remarquait une rare intelligence de bonheur dans le sens le plus élevé de ce mot, c’est-à-dire, en le faisant consister dans tout ce qui ennoblit l’ame, excite la pensée et vivifie le talent.

En se promenant avec Corinne, Oswald s’aperçut que le souffle du vent avait un son harmonieux, et répandait dans l’air des accords qui semblaient venir du balancement des fleurs, de l’agitation des arbres, et prêter une voix à la nature. Corinne lui dit que c’étaient des harpes éoliennes que le vent fai-