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CORINNE OU L’ITALIE

ment, chaque fois qu’elle exprimait une idée sensible, il soupirait et détournait la tête, afin qu’elle ne vît pas combien, dans sa disposition actuelle, il était facilement ému : Corinne oppressée par ce silence s’assit en couvrant son visage de ses mains ; lord Nelvil se promena quelque temps avec vivacité dans la chambre, puis il s’approcha de Corinne, et fut au moment de se plaindre et de se livrer à ce qu’il éprouvait ; mais un mouvement de fierté tout-à-fait invincible dans son caractère réprima son attendrissement et il retourna vers les tableaux, comme s’il attendait que Corinne achevât de les lui montrer ; elle espérait beaucoup de l’effet du dernier de tous ; et faisant effort à son tour pour paraître calme, elle se leva et dit : — Mylord, il me reste encore trois paysages à vous faire voir ; deux font allusion à quelques idées intéressantes : je n’aime pas beaucoup les scènes champêtres, qui sont fades en peinture comme des idylles, quand elles ne font aucune allusion à la fable ou à l’histoire. Ce qui vaut le mieux, ce me semble, en ce genre, c’est la manière de Salvator Rosa qui représente, comme vous le voyez dans ce tableau, un rocher, des torrens et des arbres, sans un seul être vivant, sans que seulement le vol d’un oiseau rappelle l’idée