Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/349

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
345
CORINNE OU L’ITALIE

voitures les derniers jours du carnaval ; mais le plaisir de cette fête, c’est la foule et la confusion : c’est comme un souvenir des Saturnales ; toutes les classes de Rome sont mêlées ensemble ; les plus graves magistrats se promènent assidûment, et presqu’officiellement, dans leur carrosse au milieu des masques ; toutes les fenêtres sont décorées ; toute la ville est dans les rues : c’est véritablement une fête populaire. Le plaisir du peuple ne consiste ni dans les spectacles, ni dans les festins qu’on lui donne, ni dans la magnificence dont il est témoin. Il ne fait aucun excès de vin, ni de nourriture ; il s’amuse seulement d’être mis en liberté, et de se trouver au milieu des grands seigneurs, qui se divertissent à leur tour de se trouver au milieu du peuple. C’est surtout le raffinement et la délicatesse des plaisirs qui mettent une barrière entre les différentes classes ; c’est aussi la recherche et la perfection de l’éducation. Mais, en Italie, les rangs en ce genre ne sont pas marqués d’une manière très-sensible ; et le pays est plus distingué par le talent naturel et l’imagination de tous, que par la culture d’esprit des premières classes. Il y a donc, pendant le carnaval, un mélange complet de rangs, de manières et d’esprits ; et la foule et les cris, et les bons