Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/368

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
364
CORINNE OU L’ITALIE

— et puis il s’interrompit tout à coup en rougissant, honteux de la question qu’il allait commencer, et sortit précipitamment de la maison pour ne pas dire un mot de plus.

En s’en allant il se retourna plusieurs fois pour apercevoir encore les fenêtres de Corinne ; mais quand il eut perdu de vue son habitation, il éprouva une tristesse nouvelle pour lui, celle que cause la solitude. Il essaya d’aller le soir dans une grande société de Rome ; il cherchait la distraction ; car, pour trouver du charme dans la rêverie, il faut, dans le bonheur comme dans le malheur, être en paix avec soi-même.

Le monde fut bientôt insupportable à lord Nelvil ; il comprit encore mieux tout le charme, tout l’intérêt que Corinne savait répandre sur la société, en remarquant quel vide y laissait son absence : il essaya de parler à quelques femmes, qui lui répondirent ces insipides phrases dont on est convenu pour n’exprimer avec vérité ni ses sentimens ni ses opinions, si toutefois celles qui s’en servent ont en ce genre quelque chose à cacher. Il s’approcha de plusieurs groupes d’hommes qui, à leurs gestes et à leur voix, semblaient s’entretenir avec chaleur sur quelque objet important : il entendit discuter les plus misérables intérêts de la manière