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CORINNE OU L’ITALIE

noir, en souvenir de la mort de Jésus-Christ ; et il y a quelque chose de bien touchant dans ce deuil anniversaire, renouvelé tant de fois depuis tant de siècles. C’est donc avec une émotion véritable que l’on arrive au milieu de ces belles églises, où les tombeaux préparent si bien à la prière ; mais le prédicateur dissipe presque toujours cette émotion en peu d’instans.

Sa chaire est une assez longue tribune qu’il parcourt d’un bout à l’autre avec autant d’agitation que de régularité. Il ne manque jamais de partir au commencement d’une phrase, et de revenir à la fin, comme le balancier d’une pendule ; et cependant il fait tant de gestes, il a l’air si passionné, qu’on le croirait capable de tout oublier. Mais c’est, si l’on peut s’exprimer ainsi, une fureur systématique, telle qu’on en voit beaucoup en Italie, ou la vivacité des mouvemens extérieurs n’indique souvent qu’une émotion superficielle. Un crucifix est suspendu à l’extrémité de la chaire ; le prédicateur le détache, le baise, le presse sur son cœur, et puis le remet à sa place avec un très-grand sang-froid quand la période pathétique est achevée. Il y a aussi un moyen de faire effet dont les prédicateurs ordinaires se servent assez souvent, c’est le bonnet carré qu’ils portent sur la tête ; ils