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CORINNE OU L’ITALIE

doucement illusion sur ce qu’on pourrait dire du parti qu’elle prenait. Oswald se prêtait à cette illusion : l’amour, dans un caractère incertain et faible, trompe à demi, la raison éclaire à demi, et c’est l’émotion présente qui décide laquelle des deux moitiés sera le tout. L’esprit de lord Nelvil était singulièrement étendu et pénétrant, mais il ne se jugeait bien lui-même que dans le passé. Sa situation actuelle ne s’offrait jamais à lui que confusément. Susceptible tout à la fois d’entraînement et de remords, de passion et de timidité, ces contrastes ne lui permettaient de se connaître que quand l’événement avait décidé du combat qui se passait en lui.

Lorsque les amis de Corinne, et particulièrement le prince Castel-Forte, furent instruits de son projet, ils en éprouvèrent un grand chagrin. Le prince Castel-Forte surtout en ressentit une telle peine, qu’il résolut d’aller la rejoindre dans peu de temps. Il n’y avait pas assurément de vanité à se mettre ainsi à la suite d’un amant préféré ; mais ce qu’il ne pouvait supporter, c’était le vide affreux de l’absence de son amie ; il n’avait pas un ami qu’il ne rencontrât chez Corinne, et jamais il n’allait dans une autre maison que la sienne. La société qui se rassemblait autour d’elle devait se disperser