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CORINNE OU L’ITALIE

fans découvrit un nouvel hémisphère ; elle fut reine encore par le sceptre de la pensée, mais ce sceptre de lauriers ne fit que des ingrats.

L’imagination lui rendit l’univers qu’elle avait perdu. Les peintres, les poëtes, enfantèrent pour elle une terre, un Olympe, des enfers et des cieux ; et le feu qui l’anime, mieux gardé par son génie que par le dieu des païens, ne trouva point dans l’Europe un Prométhée qui le ravît.

Pourquoi suis-je au Capitole ? pourquoi mon humble front va-t-il recevoir la couronne que Pétrarque a portée, et qui reste suspendue au cyprès funèbre du Tasse ? pourquoi, si vous n’aimiez assez la gloire, ô mes concitoyens, pour récompenser son culte autant que ses succès.

Eh bien, si vous l’aimez cette gloire, qui choisit trop souvent ses victimes parmi les vainqueurs qu’elle a couronnés, pensez avec orgueil à ces siècles qui virent la renaissance des arts. Le Dante, l’Homère des temps modernes, poëte sacré de nos mystères religieux, héros de la pensée, plongea son génie dans le Styx pour aborder à l’enfer, et son ame fut profonde comme les abîmes qu’il a décrits.