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CORINNE OU L’ITALIE

chée partout ailleurs et ne se développe que parmi nous. Elle donne quelque chose de poétique aux derniers rangs de la société, et nous épargne le mépris qu’on ne peut s’empêcher de sentir pour ce qui est vulgaire en tout genre. Quand nos Siciliens, en conduisant les voyageurs dans leurs barques, leur adressent dans leur gracieux dialecte d’aimables félicitations, et leur disent en vers un doux et long adieu, on dirait que le souffle pur du ciel et de la mer agit sur l’imagination des hommes comme le vent sur les harpes éoliennes, et que la poésie comme les accords est l’écho de la nature. Une chose me fait encore attacher du prix à notre talent d’improviser, c’est que ce talent serait presque impossible dans une société disposée à la moquerie ; il faut, passez-moi cette expression, il faut la bonhomie du midi, ou plutôt des pays où l’on aime à s’amuser sans trouver du plaisir à critiquer ce qui amuse, pour que les poëtes se risquent à cette périlleuse entreprise. Un sourire railleur suffirait pour ôter la présence d’esprit nécessaire à une composition subite et non interrompue, il faut que les auditeurs s’animent avec vous, et que leurs applaudissemens vous inspirent.

— Mais vous, madame, mais vous, dit en-