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CORINNE OU L’ITALIE.

s’était tracée, avaient encore fortifié les principes sévères de moralité innés en lui. Les mœurs d’Angleterre, les habitudes et les opinions d’un pays où l’on se trouve si bien du respect le plus scrupuleux pour les devoirs, comme pour les lois, le retenaient dans des liens assez étroits à beaucoup d’égards ; enfin, le découragement qui naît d’une profonde tristesse fait aimer ce qui est dans l’ordre naturel, ce qui va de soi-même, et n’exige point de résolution nouvelle, ni de décision contraire aux circonstances qui nous sont marquées par le sort.

L’amour d’Oswald pour Corinne avait modifié toute sa manière de sentir ; mais l’amour n’efface jamais entièrement le caractère, et Corinne apercevait ce caractère à travers la passion qui en triomphait ; et peut-être même le charme de lord Nelvil tenait-il beaucoup à cette opposition entre sa nature et son sentiment, opposition qui donnait un nouveau prix à tous les témoignages de sa tendresse. Mais l’instant approchait où les inquiétudes fugitives que Corinne avait constamment écartées, et qui n’avaient mêlé qu’un trouble léger et rêveur à la félicité dont elle jouissait, devaient décider de sa vie. Cette ame née pour le bonheur, accoutumée aux sensations mobiles du talent et de la poésie, s’étonnait