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CORINNE OU L’ITALIE.

les murs qui environnent l’urne. L’on est importuné par ces noms obscurs qui semblent là seulement pour troubler la paisible idée de solitude que ce séjour fait naître. Il n’y a que Pétrarque qui fut digne de laisser une trace durable de son voyage au tombeau de Virgile. On redescend en silence de cet asile funéraire de la gloire : on se rappelle et les pensées et les images que le talent du poëte a consacrées pour toujours. Admirable entretien avec les races futures, entretien que l’art d’écrire perpétue et renouvelle ! Ténèbres de la mort, qu’êtes-vous donc ? Les idées, les sentimens, les expressions d’un homme subsistent, et ce qui était lui ne subsisterait plus ! Non, une telle contradiction dans la nature est impossible.

Oswald, dit Corinne à lord Nelvil, les impressions que vous venez d’éprouver préparent, mal pour une fête ; mais combien, ajouta-t-elle avec une sorte d’exaltation dans le regard, combien de fêtes se sont passées non loin des tombeaux ! — Chère amie, répondit Oswald, d’où vient cette peine secrète qui vous agite ? Confiez-vous à moi, je vous ai dû six mois les plus fortunés de ma vie, peut-être aussi pendant ce temps ai-je répandu quelque douceur sur vos jours. Ah ! qui pourrait être impie envers le bonheur !