Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
116
CORINNE OU L’ITALIE.

ment le cours habituel de la vie. Mais la prêtresse qui rendait les oracles se sentait agitée par une puissance cruelle. Je ne sais quelle force involontaire précipite le génie dans le malheur : il entend le bruit des sphères que les organes mortels ne sont pas faits pour saisir ; il pénètre des mystères du sentiment inconnus aux autres hommes, et son ame recèle un Dieu qu’elle ne peut contenir !

Sublime créateur de cette belle nature, protège-nous ! Nos élans sont sans force, nos espérances mensongères. Les passions exercent en nous une tyrannie tumultueuse, qui ne nous laisse ni liberté ni repos. Peut-être ce que nous ferons demain décidera-t-il de notre sort ; peut-être hier avons-nous dit un mot que rien ne peut racheter. Quand notre esprit s’élève aux plus hautes pensées, nous sentons, comme au sommet des édifices élevés, un vertige qui confond tous les objets à nos regards ; mais alors même la douleur, la terrible douleur, ne se perd point dans les nuages, elle les sillonne, elle les entr’ouvre. Ô ! mon Dieu, que veut-elle nous annoncer ? …… »