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CORINNE OU L’ITALIE.

domestiques ; les talens que vous avez vous désennuieront dans la solitude ; peut-être aurez-vous un mari qui s’en fera plaisir ; mais dans une petite ville comme celle-ci, tout ce qui attire l’attention excite l’envie, et vous ne trouveriez pas du tout à vous marier, si l’on croyait que vous avez des goûts étrangers à nos mœurs ; ici la manière d’exister doit être soumise aux anciennes habitudes d’une province éloignée. J’ai passé avec votre mère douze ans en Italie, et le souvenir m’en est très-doux ; j’étais jeune alors, et la nouveauté me plaisait ; à présent je suis rentré dans ma case, et je m’en trouve bien ; une vie régulière, même un peu monotone, fait passer le temps sans qu’on s’en aperçoive. Mais il ne faut pas lutter contre les usages du pays où l’on est établi, l’on en souffre toujours ; car dans une ville aussi petite que celle où nous sommes, tout se sait, tout se répète : il n’y a pas lieu à l’émulation, mais bien à la jalousie, et il vaut mieux supporter un peu d’ennui, que de rencontrer toujours des visages surpris et malveillans, qui vous demanderaient, à chaque instant, raison de ce que vous faites. —

Non, mon cher Oswald, vous ne pouvez vous faire une idée de la peine que j’éprouvai en entendant mon père parler ainsi. Je me le rap-