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CORINNE OU L’ITALIE.

cause commune avec lui, plutôt pour la défense de la médiocrité que par amour-propre de famille.

Chaque jour ma situation devenait plus odieuse ; je me sentais saisie par la maladie du pays, la plus inquiète douleur qui puisse s’emparer de l’ame. L’exil est quelquefois, pour les caractères vifs et sensibles, un supplice beaucoup plus cruel que la mort ; l’imagination prend en déplaisance tous les objets qui vous entourent, le climat, le pays, la langue, les usages, la vie en masse, la vie en détail ; il y a une peine pour chaque moment comme pour chaque situation : car la patrie nous donne mille plaisirs habituels que nous ne connaissons pas nous-mêmes avant de les avoir perdus :

.... La favella, i costumi,
L’aria, i tronchi, il terren, le mura, i sassi ![1].

C’est déjà un vif chagrin que de ne plus voir les lieux où l’on a passé son enfance : les souvenirs de cet âge, par un charme particulier, rajeunissent le cœur, et cependant adoucissent

  1. La langue, les mœurs, l’air, les arbres, la terre, les murs, les pierres !
    Métastase.