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CORINNE OU L’ITALIE.

l’idée de la mort. La tombe rapprochée du berceau semble placer sous le même ombrage toute une vie ; tandis que les années passées sur un sol étranger sont comme des branches sans racines. La génération qui vous précède ne vous a pas vu naître, elle n’est pas pour vous la génération des pères, la génération protectrice ; mille intérêts qui vous sont communs avec vos compatriotes ne sont plus entendus par les étrangers ; il faut tout expliquer, tout commenter, tout dire, au lieu de cette communication facile, de cette effusion de pensées qui commence à l’instant où l’on retrouve ses concitoyens. Je ne pouvais me rappeler, sans émotion, les expressions bienveillantes de mon pays. Cara Canssima, disais-je quelquefois, en me promenant toute seule, pour m’imiter à moi-même l’accueil si amical des Italiens et des Italiennes, je comparais cet accueil à celui que je recevais.

Chaque jour j’errais dans la campagne, où j’avais coutume d’entendre, le soir, en Italie, des airs harmonieux chantés avec des voix si justes, et les cris des corbeaux retentissaient seuls dans les nuages. Le soleil si beau, l’air si suave de mon pays était remplacé par les brouillards ; les fruits mûrissaient à peine, je ne