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CORINNE OU L’ITALIE.

jour à l’établissement de sa fille ; enfin elle m’avait dit le secret de son cœur, en m’indiquant le désir que je me fisse passer pour morte ; et ce conseil amer, qui m’avait d’abord tant révoltée, me parut, à la réflexion, assez raisonnable.

— Oui, sans doute, m’écriais-je, passons pour morte dans ces lieux où mon existence n’est qu’un sommeil agité. Je revivrai avec la nature avec le soleil, avec les beaux-arts, et les froides lettres qui composent mon nom, inscrites sur un vain tombeau, tiendront aussi-bien que moi ma place dans ce séjour sans vie. — Ces élans de mon ame vers la liberté ne me donnèrent point encore cependant la force d’une résolution décisive ; il y a des momens où l’on se croit la puissance de ce qu’on désire, et d’autres où l’ordre habituel des choses paraît devoir l’emporter sur tous les sentimens de l’ame. J’étais dans cette indécision qui pouvait durer toujours, puisque rien au-dehors de moi ne m’obligeait à prendre un parti, lorsque, le dimanche qui suivit ma conversation avec ma belle-mère, j’entendis, vers le soir, sous mes fenêtres, des chanteurs italiens qui étaient venus sur le bâtiment de Livourne, et que Thérésine avait attirés pour me causer une agréable surprise. Je ne puis, exprimer l’émotion que je ressentis, un déluge