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CORINNE OU L’ITALIE.

de pensées qui fait circuler mon sang plus vite. Je m’intéresse à tout ; je parle avec plaisir ; je jouis avec délices de l’esprit des autres, de l’intérêt qu’ils me témoignent, des merveilles de la nature, des ouvrages de l’art que l’affectation n’a point frappés de mort. Mais, serait-il en ma puissance de vivre quand je ne vous verrais plus ? C’est à vous d’en juger, Oswald ; car vous me connaissez mieux que moi-même ; je ne suis pas responsable de ce que je puis éprouver ; c’est à celui qui enfonce le poignard à savoir si la blessure qu’il fait est mortelle. Mais quand elle le serait, Oswald, je devrais vous le pardonner.

Mon bonheur dépend en entier du sentiment que vous m’avez montré depuis six mois. Je défierais toute la puissance de votre volonté et de votre délicatesse de me tromper sur la plus légère altération dans ce sentiment. Éloignez de vous, à cet égard, toute idée de devoir ; je ne connais pour l’amour ni promesse ni garantie. La divinité seule peut faire renaître une fleur quand le vent l’a flétrie. Un accent, un regard de vous suffiraient pour m’apprendre que votre cœur n’est plus le même, et je détesterais tout ce que vous pourriez m’offrir à la place de votre amour, de ce rayon divin, ma céleste auréole. Soyez donc libre maintenant,