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CORINNE OU L’ITALIE.

ser lord Nelvil, et de quel côté il avait porté ses pas. Le maître de l’auberge répondit que lord Nelvil était allé du côté de Portici, mais que sûrement, ajouta l’hôte, il n’avait pas été loin ; car, dans ce moment, un coup de soleil serait très-dangereux. Cette crainte se mêlant à toutes les autres, bien que Corinne n’eût rien sur la tête qui pût la garantir de l’ardeur du jour, elle se mit à marcher au hasard dans la rue. Les larges pavés blancs de Naples, ces pavés de lave, et placés là comme pour multiplier l’effet de la chaleur et de la lumière, brûlaient ses pieds, et l’éblouissaient par le reflet des rayons du soleil.

Elle n’avait pas le projet d’aller jusqu’à Portici, mais elle avançait toujours, et toujours plus vite ; la souffrance et le trouble précipitaient ses pas. On ne voyait personne sur le grand chemin : à cette heure, les animaux eux-mêmes se tiennent cachés, ils redoutent la nature.

Une poussière horrible remplit l’air dès que le moindre souffle de vent ou le char le plus léger traverse la route : les prairies couvertes de cette poussière ne rappellent plus par leur couleur la végétation, ni la vie. De moment en moment, Corinne se sentait prête à tomber, elle ne rencontrait pas un arbre pour s’appuyer, et sa raison s’égarait dans ce désert enflammé ;