Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
185
CORINNE OU L’ITALIE.


CHAPITRE II.


EN arrivant, ils trouvèrent le prince Caslel-Forte qui les attendait à l’auberge. Le bruit s’était répandu que lord Nelvil avait épousé Corinne, et quoique cette nouvelle fît une grande peine à ce prince, il était venu pour s’assurer par lui-même si cela était vrai, et pour se rattacher de quelque manière encore à la société de son amie, lors même qu’elle serait pour jamais liée à un autre. La mélancolie de Corinne, l’état d’abattement dans lequel, pour la première fois, il la voyait, lui causèrent une vive inquiétude ; mais il n’osa point l’interroger, parce qu’elle semblait fuir toute conversation à ce sujet. Il est des situations de l’ame où bon redoute de se confier à personne ; il suffirait d’une parole qu’on dirait ou qu’on entendrait pour dissiper à nos propres yeux l’illusion qui nous fait supporter l’existence ; et l’illusion dans les sentimens passionnés, de quelque genre qu’ils soient, a cela de particulier qu’on se ménage soi-même comme