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CORINNE OU L’ITALIE.

semblait lui dire : pourquoi voulez-vous renoncer à moi ? détruisait tous ses projets. Vingt fois Corinne voulut dire à lord Nelvil que son irrésolution l’offensait, et qu’elle était décidée à s’éloigner de lui ; mais elle le voyait, tantôt appuyer sa tête sur sa main comme un homme accablé par des sentimens douloureux, tantôt respirer avec effort, ou rêver sur les bords de la mer, ou lever les yeux vers le ciel quand des sons harmonieux se faisaient entendre, et ces mouvemens si simples dont la magie n’était connue que d’elle, renversaient soudain tous ses efforts. L’accent, la physionomie, une certaine grâce dans chaque geste révèle à l’amour les secrets les plus intimes de l’ame, et peut-être était-il vrai qu’un caractère froid en apparence, tel que celui de lord Nelvil, ne pouvait être pénétré que par celle qui l’aimait : l’impartialité ne devinant rien, ne peut juger que ce qui se montre. Corinne, dans le silence de la réflexion, essayait ce qui lui avait réussi autrefois quand elle croyait aimer : elle appelait à son secours son esprit d’observation qui découvrait avec sagacité les moindres faiblesses ; elle tâchait d’exciter son imagination à lui représenter Oswald sous des traits moins séduisans ; mais il n’y avait rien en lui qui ne fut noble, touchant et simple, et comment défaire à ses