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CORINNE OU L’ITALIE.

l’on sort de l’intérieur de la ville pour arriver sur les quais, d’où l’on voit et la mer et le Vésuve, et l’on oublie alors tout ce que l’on sait des hommes.

Oswald et Corinne arrivèrent à Naples pendant que l’éruption du Vésuve durait encore. Ce n’était de jour qu’une fumée noire qui pouvait se confondre avec les nuages ; mais le soir, en s’avançant sur le balcon de leur demeure, ils éprouvèrent une émotion tout-à-fait inattendue. Ce fleuve de feu descend vers la mer, et ses vagues de flamme, semblables aux vagues de l’onde, expriment, comme elles, la succession rapide et continuelle d’un infatigable mouvement. On dirait que la nature, lorsqu’elle se transforme en des élémens divers, conserve néanmoins toujours quelques traces d’une pensée unique et première. Ce phénomène du Vésuve cause un véritable battement de cœur. On est si familiarisé d’ordinaire avec les objets extérieurs, qu’on aperçoit à peine leur existence ; et l’on ne reçoit guère d’émotion nouvelle, en ce genre, au milieu de nos prosaïques contrées ; mais tout à coup l’étonnement que doit causer l’univers se renouvelle à l’aspect d’une merveille inconnue de la création : tout notre être est agité par cette puissance de