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CORINNE OU L’ITALIE.

individuel. On l’aime comme un être animé ; ses édifices, ses ruines sont des amis auxquels on dit adieu.

Corinne adressa ses regrets au Colisée, au Panthéon, au château Saint-Ange, à tous les lieux dont la vue avait tant de fois renouvelé les plaisirs de son imagination. — Adieu, terre des souvenirs, s’écria-t-elle, adieu, séjour, où la vie ne dépend ni de la société ni des événemens, où l’enthousiasme se ranime par les regards et par l’union intime de l’ame avec les objets extérieurs. Je pars, je vais suivre Oswald, sans savoir seulement quel sort il me destine, lui que je préfère à l’indépendante destinée qui m’a fait passer des jours si heureux ! Je reviendrai peut-être ici, mais le cœur blessé, l’ame flétrie, et vous-mêmes, beaux-arts, antiques monumens, soleil que j’ai tant de fois invoqué dans les contrées nébuleuses où je me trouvais exilée, vous ne pourrez plus rien pour moi ! —

Corinne versa des larmes en prononçant ces adieux ; mais elle ne pensa pas un instant à laisser Oswald partir seul. Les résolutions qui viennent du cœur ont cela de particulier, qu’en les prenant on les juge, on les blâme souvent soi-même avec sévérité, sans cependant hésiter réellement à les prendre. Quand la passion se