LA puissance du gouvernement de Venise, pendant
les dernières années de son existence, consistait
presque en entier dans l’empire de l’habitude
et de l’imagination. Il avait été terrible,
il était devenu très-doux ; il avait été courageux,
il était devenu timide ; la haine contre lui s’est
facilement réveillée, parce qu’il avait été redoutable ;
on l’a facilement renversé, parce qu’il ne
l’était plus. C’était une aristocratie qui cherchait
beaucoup la faveur populaire, mais qui la cherchait
à la manière du despotisme, en amusant
le peuple, mais non en l’éclairant. Cependant,
c’est un état assez agréable pour un peuple que
d’être amusé, surtout dans les pays où les goûts
de l’imagination sont développés par le climat
et les beaux-arts jusques dans la dernière classe
de la société. On ne donnait point au peuple les
grossiers plaisirs qui l’abrutissent, mais de la
musique, des tableaux, des improvisateurs, des
fêtes ; et le gouvernement soignait là ses sujets,