Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
230
CORINNE OU L’ITALIE.


CHAPITRE VIII.


LA puissance du gouvernement de Venise, pendant les dernières années de son existence, consistait presque en entier dans l’empire de l’habitude et de l’imagination. Il avait été terrible, il était devenu très-doux ; il avait été courageux, il était devenu timide ; la haine contre lui s’est facilement réveillée, parce qu’il avait été redoutable ; on l’a facilement renversé, parce qu’il ne l’était plus. C’était une aristocratie qui cherchait beaucoup la faveur populaire, mais qui la cherchait à la manière du despotisme, en amusant le peuple, mais non en l’éclairant. Cependant, c’est un état assez agréable pour un peuple que d’être amusé, surtout dans les pays où les goûts de l’imagination sont développés par le climat et les beaux-arts jusques dans la dernière classe de la société. On ne donnait point au peuple les grossiers plaisirs qui l’abrutissent, mais de la musique, des tableaux, des improvisateurs, des fêtes ; et le gouvernement soignait là ses sujets,