— IL ne faut pas, dit Corinne à lord Nelvil, que
vous vous en teniez seulement aux impressions
pénibles que ces moyens silencieux du pouvoir
ont produites sur vous. Il faut que vous observiez
aussi les grandes qualités de ce sénat qui
faisait de Venise une république pour les nobles,
et leur inspirait autrefois celle énergie, cette grandeur
aristocratique, fruit de la liberté, alors
même qu’elle est concentrée dans le petit nombre.
Vous les verrez sévères les uns pour les autres,
établir, du moins dans leur sein, les vertus et les
droits qui devaient appartenir à tous ; vous les
verrez paternels pour leurs sujets, autant qu’on
peut l’être, quand on considère cette classe
d’hommes uniquement sous le rapport de son
bien-être physique. Enfin vous leur trouverez
un grand orgueil pour leur patrie, pour cette
patrie qui est leur propriété, mais qu’ils savent
néanmoins faire aimer du peuple même, qui, à
tant d’égards, en est exclu. —