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CORINNE OU L’ITALIE.


CHAPITRE IX.


IL ne faut pas, dit Corinne à lord Nelvil, que vous vous en teniez seulement aux impressions pénibles que ces moyens silencieux du pouvoir ont produites sur vous. Il faut que vous observiez aussi les grandes qualités de ce sénat qui faisait de Venise une république pour les nobles, et leur inspirait autrefois celle énergie, cette grandeur aristocratique, fruit de la liberté, alors même qu’elle est concentrée dans le petit nombre. Vous les verrez sévères les uns pour les autres, établir, du moins dans leur sein, les vertus et les droits qui devaient appartenir à tous ; vous les verrez paternels pour leurs sujets, autant qu’on peut l’être, quand on considère cette classe d’hommes uniquement sous le rapport de son bien-être physique. Enfin vous leur trouverez un grand orgueil pour leur patrie, pour cette patrie qui est leur propriété, mais qu’ils savent néanmoins faire aimer du peuple même, qui, à tant d’égards, en est exclu. —