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CORINNE OU L’ITALIE.

qu’elle vit à sa pendule que ce moment n’était pas très-éloigné, elle frémit de tous ses membres ; et sûrement l’approche de l’échafaud ne lui aurait pas causé plus d’effroi. Oswald aussi semblait perdre à chaque instant sa résolution, et Corinne, qui l’avait toujours vu maître de lui-même, avait le cœur déchiré par le spectacle de ses angoisses. Pauvre Corinne ! elle le consolait, tandis qu’elle devait être mille fois plus malheureuse que lui !

— Écoutez, dit-elle à lord Nelvil, quand vous serez à Londres, ils vous diront, les hommes légers de cette ville, que des promesses d’amour ne lient pas l’honneur ; que tous les Anglais du monde ont aimé des Italiennes dans leurs voyages, et les ont oubliées au retour ; que quelques mois de bonheur n’engagent ni celle qui les reçoit, ni celui qui les donne, et qu’à votre âge la vie entière ne peut dépendre du charme que vous avez trouvé pendant quelque temps dans la société d’une étrangère. Ils auront l’air d’avoir raison, raison selon le monde : mais vous, qui avez connu ce cœur dont vous vous êtes rendu le maître, vous, qui savez comme il vous aime, trouverez-vous des sophismes pour excuser une blessure mortelle ? Et les plaisanteries frivoles et barbares des hommes du jour empêcheront--