Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
CORINNE OU L’ITALIE.

elles que votre main ne tremble en enfonçant un poignard dans mon sein ? — Ah ! que me dis-tu ? s’écria lord Nelvil, ce n’est pas ta douleur seule qui me retient, c’est la mienne. Où trouverais-je un bonheur semblable à celui que j’ai goûté près de toi ? qui, dans l’univers, m’entendrait comme tu m’as entendu ? L’amour, Corinne, l’amour, c’est toi seule qui l’éprouves, c’est toi seule qui l’inspires : cette harmonie de l’ame, cette intime intelligence de l’esprit et du cœur, avec quelle autre femme peut-elle exister qu’avec toi ? Corinne, ton ami n’est pas un homme léger, tu le sais ; il s’en faut qu’il le soit. Tout est sérieux pour lui dans la vie ; est-ce donc pour loi seule qu’il démentirait sa nature ?

— Non, non, reprit Corinne, non, vous ne traiterez pas avec dédain une ame sincère. Et ce n’est pas vous, Oswald, ce n’est pas vous que mon désespoir trouverait insensible. Mais un ennemi redoutable me menace auprès de vous, c’est la sévérité despotique, c’est, la dédaigneuse médiocrité de ma belle-mère. Elle vous dira tout ce qui peut flétrir ma vie passée. Épargnez-moi de vous répéter d’avance ses impitoyables discours. Loin que les talens que je puis avoir soient une excuse à ses yeux, ils seront, je le sais, le plus grand de mes torts. Elle ne com-