Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
264
CORINNE OU L’ITALIE.

aimés, Oswald, avec une tendresse profonde. Je t’ai confié les secrets de ma vie : ce n’est rien que les faits ; mais les sentimens les plus intimes de mon être, tu les sais tous. Je n’ai pas une idée qui ne soit unie à toi. Si j’écris quelques lignes où mon ame se répande, c’est toi seul qui m’inspires ; c’est à toi que j’adresse toutes mes pensées, comme mon dernier souffle sera pour toi. Où serait donc mon asile, si tu m’abandonnais ? Les beaux-arts me retracent ton image ; la musique, c’est ta voix ; le ciel, ton regard. Tout ce génie, qui jadis enflammait ma pensée, n’est plus que de l’amour. Enthousiasme, réflexion, intelligence, je n’ai plus rien qu’en commun avec toi.

Dieu puissant qui m’entendez ! dit-elle, en levant ses regards vers le ciel, Dieu ! qui n’êtes point impitoyable pour les peines du cœur, les plus nobles de toutes ! ôtez-moi la vie, quand il cessera de m’aimer, ôtez-moi le déplorable reste d’existence, qui ne me servirait plus qu’à souffrir. Il emporte avec lui ce que j’ai de plus généreux et de plus tendre ; s’il laisse éteindre ce feu déposé dans son sein, que, dans quelque lieu du monde que je sois, ma vie aussi s’éteigne. Grand Dieu ! vous ne m’avez pas faite pour survivre à tous les nobles sentimens ; et que me