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CORINNE OU L’ITALIE.

Sans doute en ce moment sa vie passée suffirait en entier à elle ; sa conscience exagéra toutes ses fautes ; elle craignit de ne pas mériter la miséricorde divine, et cependant elle se sentait si malheureuse, qu’elle devait croire à la pitié du ciel. Enfin en se relevant elle tendit la main à lord Nelvil, et lui dit : — Partez, je le veux à présent ; et peut-être que dans un instant je ne le pourrai plus : partez, que Dieu bénisse vos pas, et qu’il me protège aussi, car j’en ai bien besoin. — Oswald se précipita encore une fois dans ses bras, et la pressant contre son cœur avec une passion inexprimable, tremblant et pâle comme un homme qui marche au supplice, il sortit de cette chambre, où pour la dernière fois, peut-être, il avait aimé, il s’était senti aimé comme la destinée n’en offre pas un second exemple.

Quand Oswald disparut aux regards de Corinne, une palpitation horrible qui ne lui laissait plus le pouvoir de respirer la saisit, ses yeux étaient tellement troublés, que les objets qu’elle voyait perdaient à ses yeux toute réalité, et semblaient errer tantôt près, tantôt loin de ses regards ; elle croyait sentir que la chambre où elle était se balançait comme dans un tremblement de terre, et elle s’appuyait pour résister à ce mou-