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CORINNE OU L’ITALIE.

vement. Pendant un quart d’heure encore elle entendit le bruit que faisaient les gens d’Oswald en achevant les préparatifs de son départ. Il était encore là dans la gondole ; elle pouvait encore le revoir ; mais elle se craignait elle-même ; et lui, de son côté, était couché dans cette gondole presque sans connaissance. Enfin il partit, et dans ce moment Corinne s’élança hors de sa chambre pour le rappeler ; Thérésine l’arrêta. Une pluie terrible commençait alors ; le vent le plus violent se faisait entendre, et la maison où demeurait Corinne était ébranlée presque comme un vaisseau au milieu de la mer. Elle ressentit une vive inquiétude pour Oswald, traversant les lagunes dans ce temps affreux, et elle descendit sur le bord du canal dans le dessein de s’embarquer, et de le suivre au moins jusques à la terre ferme. Mais la nuit était si obscure qu’il n’y avait pas une seule barque. Corinne marchait avec une agitation cruelle sur les pierres étroites qui séparent le canal des maisons. L’orage augmentait toujours, et sa frayeur pour Oswald redoublait à chaque instant. Elle appelait au hasard des bateliers, qui prenaient ses cris pour les cris de détresse des malheureux qui se noyaient pendant la tempête, et néanmoins personne n’osait approcher, tant les