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CORINNE OU L’ITALIE.

chapeau. Elle lisait avec beaucoup de recueillement. Oswald la reconnut pour Lucile, bien qu’il ne l’eût pas vue depuis trois ans, et qu’ayant passé, dans cet intervalle, de l’enfance à la jeunesse, elle fût étonnamment embellie. Il s’approcha d’elle, la salua, et oubliant qu’il était en Angleterre, il voulut lui prendre la main pour la baiser respectueusement, selon l’usage d’Italie ; la jeune personne recula deux pas, rougit extrêmement, lui fit une profonde révérence, et lui dit : — Monsieur, je vais prévenir ma mère que vous désirez la voir— et s’éloigna. Lord Nelvil resta frappé de cet air imposant et modeste, et de cette figure vraiment angélique.

C’était Lucile qui entrait à peine dans sa seizième année. Ses traits étaient d’une délicatesse remarquable : sa taille était presque trop élancée, car un peu de faiblesse se faisait remarquer dans sa démarche ; son teint était d’une admirable beauté, et la pâleur et la rougeur s’y succédaient en un instant. Ses yeux bleus étaient si souvent baissés que sa physionomie consistait surtout dans cette délicatesse de teint qui trahissait à son insçu les émotions que sa profonde réserve cachait de toute autre manière. Oswald, depuis qu’il voyageait dans le midi,