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CORINNE OU L’ITALIE.

sévère que lady Edgermond donnait à sa fille. En Angleterre, en général, les jeunes filles ont plus de liberté que les femmes mariées, et la raison comme la morale expliquent cet usage ; mais lady Edgermond y dérogeait, non pour les femmes mariées, mais pour les jeunes personnes : elle était d’avis que dans toutes les situations, la plus rigoureuse réserve convenait aux femmes. Lord Nelvil voulait déclarer à lady Edgermond ses intentions relativement à Corinne dès qu’il se trouverait encore une fois seul avec elle ; mais Lucile ne s’en alla point, et lady Edgermond soutint, jusqu’au dîner, l’entretien sur divers sujets, avec une raison simple et ferme qui inspira du respect à lord Nelvil. Il aurait voulu combattre des opinions si arrêtées sur tous les points, et qui souvent n’étaient pas d’accord avec les siennes ; mais il sentait que s’il disait un mot à lady Edgermond qui ne fut pas dans le sens de ses idées, il lui donnerait une opinion de lui que rien ne pourrait effacer, et il hésitait à ce premier pas, tout-à-fait irréparable auprès d’une personne qui n’admettait point de nuances ni d’exceptions, et jugeait tout par des règles générales et positives.

On annonça que le dîner était servi. Lucile s’approcha de sa mère pour lui donner le bras.