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CORINNE OU L’ITALIE.

personne qu’elle partait, elle n’avait pu se déterminer à le dire même à Thérésine, et elle se flattait toujours d’obtenir, de sa propre raison, de rester. Seulement elle soulageait son imagination par le projet d’un voyage, par une pensée différente de celle de la veille, par un peu d’avenir mis à la place des regrets. Elle était incapable d’aucune occupation. La lecture lui était devenue impossible, la musique ne lui causait qu’un tressaillement douloureux, et le spectacle de la nature, qui porte à la rêverie, redoublait encore sa peine. Cette personne si vive passait les jours entiers immobile, ou du moins sans aucun mouvement extérieur. Les tourmens de son ame ne se trahissaient plus que par sa mortelle pâleur. Elle regardait sa montre à chaque instant, espérant qu’une heure était passée, et ne sachant pas cependant pourquoi elle désirait que l’heure changeât de nom, puisqu’elle n’amenait rien de nouveau qu’une nuit sans sommeil, suivie d’un jour plus douloureux encore.

Un soir qu’elle se croyait prête à partir, une femme fit demander à la voir : elle la reçut, parce qu’on lui dit que cette femme paraissait le désirer vivement. Elle vit entrer dans sa chambre une personne entièrement contrefaite, le