COMBIEN elle est malheureuse la femme délicate
et sensible qui commet une grande imprudence,
qui la commet pour un objet dont elle se croit
moins aimée, et n’ayant qu’elle-même pour soutien
de ce qu’elle fait ! Si elle hasardait sa réputation
et son repos pour rendre un grand service
à celui qu’elle aime, elle ne serait point à plaindre.
Il est si doux de se dévouer ; il y a dans l’ame
tant de délices quand on brave tous les périls
pour sauver une vie qui nous est chère, pour
soulager la douleur qui déchire un cœur ami du
nôtre ; mais traverser ainsi seule des pays inconnus,
arriver sans être attendue, rougir d’abord,
devant ce qu’on aime, de la preuve même d’amour
qu’on lui donne ; risquer tout parce qu’on
le veut, et non parce qu’un autre vous le demande,
quel pénible sentiment ! quelle humiliation
digne pourtant de pitié ! car tout ce qui
vient d’aimer en mérite. Que serait-ce si l’on
compromettait ainsi l’existence des autres, si l’on
manquait à des devoirs envers des liens sacrés ?