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CORINNE OU L’ITALIE.

sée, lord Nelvil dont les regards étaient fixés, sur Lucile. Quel moment pour Corinne ! Elle revoyait, pour la première fois, ces traits qui l’avaient tant occupée ; ce visage qu’elle cherchait dans son souvenir à chaque instant, bien qu’il n’en fût jamais effacée ; elle le revoyait, et c’était lorsque Lucile occupait seule Oswald. Sans doute il ne pouvait soupçonner la présence de Corinne ; mais si ses yeux s’étaient dirigés par hasard sur elle, l’infortunée en aurait tiré quelques présages de bonheur. Enfin madame Siddons reparut, et lord Nelvil se tourna vers le théâtre pour la considérer. Corinne alors respira plus à l’aise, et se flatta qu’un simple mouvement de curiosité avait attiré l’attention d’Oswald sur Lucile. La pièce devenait à tous les momens plus touchante, et Lucile était baignée de pleurs, qu’elle cherchait à cacher en se retirant dans le fond de sa loge. Alors Oswald la regarda de nouveau avec plus d’intérêt encore que la première fois. Enfin il arriva, ce moment terrible où Isabelle, s’étant échappée des mains des femmes qui veulent l’empêcher de se tuer, rit, en se donnant un coup de poignard, de l’inutilité de leurs efforts. Ce rire du désespoir, est l’effet le plus difficile et le plus remarquable que le jeu dramatique puisse produire ; il émeut