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CORINNE OU L’ITALIE.

ceux que lord Nelvil avait pris à son service en Angleterre, et qui se trouvait là dans ce moment. Corinne entendit sa réponse. — C’est un bal, dit-il, que donne aujourd’hui lady Edgermond ; et lord Nelvil mon maître, ajouta-t-il, a ouvert ce bal avec miss Lucile Edgermond, l’héritière de ce château. En entendant ces mots, Corinne frémit, mais elle ne changea point de résolution. Une âpre curiosité l’entraînait à se rapprocher des lieux où tant de douleurs la menaçaient ; elle fit signe à ses gens de s’éloigner, et elle entra seule dans le parc qui se trouvait ouvert, et dans lequel à cette heure l’obscurité permettait de se promener long-temps sans être vue. Il était dix heures ; et depuis que le bal avait commencé, Oswald dansait avec Lucile ces contredanses anglaises que l’on recommence cinq ou six fois dans la soirée ; mais toujours le même homme danse avec la même femme, et la plus grande gravité règne quelquefois dans cette partie de plaisir.

Lucile dansait noblement, mais sans vivacité. Le sentiment même qui l’occupait ajoutait à son sérieux naturel : comme on était curieux dans le canton de savoir si elle aimait lord Nelvil, tout le monde la regardait avec plus d’attention encore que de coutume, ce qui