Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/367

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
363
CORINNE OU L’ITALIE.

lui retraçait le souvenir de Corinne, et renouvelait ses regrets. Pendant qu’il était dans cette disposition, un de ses amis s’approcha de lui, et ils s’entretinrent quelques momens ensemble. Corinne alors entendit la voix d’Oswald.

Inexprimable émotion que la voix de ce qu’on aime ! Mélange confus d’attendrissement et de terreur ! Car il est des impressions si vives que notre pauvre et faible nature se craint elle-même en les éprouvant.

Un des amis d’Oswald lui dit : — Ne trouvez-vous pas ce bal charmant ? — Oui, répondit-il avec distraction ; oui, en vérité, répéta-t-il en soupirant. — Ce soupir et l’accent mélancolique de sa voix causèrent à Corinne une vive joie : elle se crut certaine de retrouver le cœur d’Oswald, de se faire encore entendre de lui, et se levant avec précipitation, elle s’avança vers un des domestiques de la maison, pour le charger de demander lord Nelvil. Si elle avait suivi ce mouvement, combien sa destinée et celle d’Oswald eût été différente ! Dans cet instant Lucile s’approcha de la fenêtre, et voyant passer dans le jardin, à travers l’obscurité, une femme vêtue de blanc, mais sans aucun ornement de fête, sa curiosité fut excitée. Elle avança la tête, et regardant atten-