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CORINNE OU L’ITALIE.

tivement, elle crut reconnaître les traits de sa sœur ; mais comme elle ne doutait pas qu’elle ne fut morte depuis sept années, la frayeur que lui causa cette vue la fit tomber évanouie. Tout le monde courut à son secours. Corinne ne trouva plus le domestique auquel elle voulait parler, et se retira plus avant dans l’allée, afin de ne pas être remarquée.

Lucile revint à elle, et n’osa point avouer ce qui l’avait émue. Mais, comme dès l’enfance sa mère avait fortement frappé son esprit par toutes les idées qui tiennent à la dévotion, elle se persuada que l’image de sa sœur lui était apparue, marchant vers le tombeau de leur père, pour lui reprocher l’oubli de ce tombeau ; le tort qu’elle avait eu de recevoir une fête dans ces lieux, sans remplir au moins d’avance un pieux devoir envers des cendres révérées. Au moment donc où Lucile se crut sûre de n’être pas observée, elle sortit du bal. Corinne s’étonna de la voir seule ainsi dans le jardin., et s’imagina que lord Nelvil ne tarderait pas à la rejoindre, et que peut-être il lui avait demandé un entretien secret, pour obtenir d’elle la permission de faire connaître ses vœux à sa mère. Cette idée la rendit immobile, mais bientôt elle remarqua que Lucile tournait ses pas vers un bosquet