Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/397

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l’étonnement et l’indignation de n’avoir pu vaincre la nature. Les angoisses de l’amour maternel se peignent dans tous les traits de Niobé : elle serre sa fille contre son sein avec une anxiété déchirante ; la douleur exprimée par cette admirable figure porte le caractère de cette fatalité qui ne laissait, chez les anciens, aucun recours à l’ame religieuse. Niobé lève les yeux au ciel, mais sans espoir : car les dieux mêmes y sont ses ennemis.

Corinne, en retournant chez elle, essaya de réfléchir sur ce qu’elle venait de voir, et voulut composer comme elle le faisait jadis ; mais une distraction invincible l’arrêtait à chaque page. Combien elle était loin alors du talent d’improviser ! Chaque mot lui coûtait à trouver, et souvent elle traçait des paroles sans aucun sens, des paroles qui l’effrayaient elle-même, quand elle se mettait à les relire, comme si l’on voyait écrit le délire de la fièvre. Se sentant alors incapable de détourner sa pensée de sa propre situation, elle peignait ce qu’elle souffrait ; mais ce n’étaient plus ces idées générales, ces sentimens universels qui répondent au cœur de tous les hommes ; c’était le cri de la douleur, cri monotone à la longue, comme celui des oiseaux de la nuit ; il y avait trop d’ardeur