Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/412

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Elle revint à dîner, tendit la main à son ami en lui disant : — Pardon, je voudrais être aimable, pour vous récompenser de votre bonté, mais cela m’est impossible, soyez assez généreux pour me supporter telle que je suis. — Ce qui inquiétait vivement le prince Castel-Forte, c’était l’état de la santé de Corinne. Un danger prochain ne la menaçait pas encore, mais il était impossible qu’elle vécût long-temps, si quelques circonstances heureuses ne ranimaient pas ses forces. Dans ce temps le prince Castel-Forte reçut une lettre de lord Nelvil, et bien qu’elle ne changeât rien à la situation, puisqu’il lui confirmait qu’il était marié, il y avait dans cette lettre des paroles qui auraient ému profondément Corinne. Le prince Castel-Forte réfléchissait des heures entières, pour concerter avec lui-même s’il devait ou non causer à son amie, en lui montrant cette lettre, l’impression la plus vive, et il la voyait si faible qu’il ne l’osait pas. Pendant qu’il délibérait encore, il reçut une seconde lettre de lord Nelvil, également remplie de sentimens qui auraient attendri Corinne, mais contenant la nouvelle de son départ pour l’Amérique. Alors le prince Castel-Forte se décida tout-à-fait à ne rien dire. Il eut peut-être tort, car une des plus amères douleurs de Corinne, c’était que lord Nelvil ne lui écrivît point ; elle n’osait l’avouer à personne ; mais bien