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CORINNE OU L’ITALIE.

instant de vue, et pénétrait dans les secrets de son ame avec une sagacité que l’on attribue à l’esprit des femmes, mais qui tient uniquement à l’attention continuelle qu’inspire un vrai sentiment. Elle prit le prétexte des affaires de Corinne, c’est-à-dire de l’héritage de son oncle qu’elle voulait lui faire passer, pour avoir le lendemain matin un entretien avec lord Nelvil ; dans cet entretien, elle devina bien vite qu’il était mécontent de Corinne, et flattant son ressentiment par l’idée d’une noble vengeance, elle lui proposa de la reconnaître pour sa belle-fille. Lord Nelvil fut étonné de ce changement subit dans les intentions de lady Edgermond ; mais il comprit cependant, quoique cette pensée ne fût en aucune manière exprimée, que cette offre n’aurait son effet que s’il épousait Lucile ; et dans l’un de ces momens oû l’on agit plus vite que l’on ne pense, il la demanda en mariage a sa mère. Lady Edgermond ravie put a peine se contenir assez pour ne pas dire oui avec trop de rapidité, le consentement fut donné, et lord Nelvil sortit de cette chambre lié par un engagement qu’il n’avait pas eu l’idée de contracter en y entrant.

Pendant que lady Edgermond préparait Lucile à le recevoir, il se promenait dans le jar[din-