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CORINNE OU L’ITALIE.

autorité paternelle, quand le devoir ne lui commandait pas d’en faire usage. Il redoutait toujours que cette autorité n’altérât la vérité, la pureté d’affection qui tient à ce qu’il y a de plus libre et de plus involontaire dans notre nature, et il avait, avant tout, besoin d’être aimé. Il m’accorda donc, au commencement de 1791, lorsque j’avais vingt-un ans accomplis, six mois de séjour en France, et je partis pour connaître cette nation si voisine de nous, et toutefois si différente par ses institutions et les habitudes qui en sont résultées.

Je croyais ne jamais aimer ce pays ; j’avais contre lui les préjugés que nous inspirent la fierté et la gravité anglaises. Je craignais les moqueries contre tous les cultes de la pensée et du cœur, je détestais cet art de rabattre tous les élans et de désenchanter tous les amours. Le fonds de cette gaieté tant vantée me paraissait bien triste, puisqu’il frappait de mort mes sentimens les plus chers. Je ne connaissais pas alors les Français vraiment distingués ; et ceux-là réunissent aux qualités les plus nobles des manières pleines de charmes. Je fus étonné de la simplicité, de la liberté qui régnaient dans les sociétés de Paris. Les plus grands intérêts y étaient traités sans frivolité