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CORINNE OU L’ITALIE.

— C’en est assez, dit lord Nelvil, tenez, bon vieillard, voilà aussi de l’argent comme elle vous en a donné, priez pour nous deux. — Et il s’éloigna.

Depuis ce moment un trouble affreux s’empara de son ame : il faisait de tous les côtés de vaines perquisitions, et ne pouvait concevoir comment il était possible que Corinne fût arrivée en Écosse sans demander à le voir, il se tourmentait de mille manières sur les motifs de sa conduite, et l’affliction qu’il ressentait était si grande, que, malgré ses efforts pour la cacher, il était impossible que lady Edgermond ne la devinât pas, et que Lucile même ne s’aperçût combien il était malheureux : sa tristesse la plongeait elle-même dans une rêverie continuelle, et leur intérieur était très-silencieux. Ce fut alors que lord Nelvil écrivit au prince Castel-Forte la première lettre, que celui-ci ne crut pas devoir montrer à Corinne, et qui l’aurait sûrement touchée, par l’inquiétude profonde qu’elle exprimait.

Le comte d’Erfeuil revint de Plymouth où il avait conduit Corinne avant que la réponse du prince Castel-Forte à la lettre de lord Nelvil fût arrivée : il ne voulait pas dire à lord Nelvil tout ce qu’il savait de Corinne, et cependant il était fâché qu’on ignorât qu’il savait un