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CORINNE OU L’ITALIE.

comme sans pédanterie ; il semblait que les idées les plus profondes fussent devenues le patrimoine de la conversation, et que la révolution du monde entier ne se fit que pour rendre la société de Paris plus aimable. Je rencontrais des hommes d’une instruction sérieuse, d’un talent supérieur, animés par le désir de plaire, plus encore que par le besoin d’être utiles ; recherchant les suffrages d’un salon même après ceux d’une tribune, et vivant dans la société des femmes pour être applaudis plutôt que pour être aimés.

Tout, à Paris, était parfaitement bien combiné, par rapport au bonheur extérieur. Il n’y avait aucune gêne dans les détails de la vie ; de l’égoïsme au fond, mais jamais dans les formes ; un mouvement, un intérêt qui prenait chacun de vos jours, sans vous en laisser beaucoup de fruit, mais aussi sans que jamais vous en sentissiez le poids ; une promptitude de conception qui permettait d’indiquer et de comprendre par un mot ce qui aurait exigé ailleurs un long développement ; un esprit d’imitation qui pourrait bien s’opposer à toute indépendance véritable, mais qui introduit dans la conversation cette sorte de bon accord et de complaisance qu’on ne trouve nulle autre part ; enfin une manière